Pour fêter leurs cinquante ans, les Cahiers du cinéma rééditent dans un coffret chic les deux tomes de l'histoire de leur revue. Auto-célébration égotiste ou hommage à un mouvement critique qui appartient désormais à l'Histoire ? Tout dépend du clan auquel on appartient. Car c'est la naissance d'une famille que le premier tome retrace. André Bazin en est le père spirituel, unificateur entre les Doniol-Valcroze, Kast ou Astruc et les jeunes cinéphiles frondeurs tels Truffaut, Rivette ou Rohmer. Dans cette famille, on ne parle que de cinéma, ce qui n'empêche pas les conflits. À la recherche de la modernité, on regarde vers Hollywood et on encense Welles, Renoir, Rossellini, Hitchcock et Hawks. On définit aussi une politique d'auteur où la mise en scène est la reine, mais on oublie la politique. On déclare la guerre à la tradition française dont Christian-Jaque est le principal visé. Antoine de Baecque, qui appartient lui-même à cette famille, décrit l'effervescence des débuts, s'arrête sur les individus, sur les idées fondatrices de l'esprit des Cahiers. Il choisit de clore ce premier volume en 1959, année où meurt Bazin et où ses "enfants" triomphent à Cannes avec les Quatre cents coups de Truffaut.