L'une des rares œuvres d'importance de Savigny qui n'ait jamais été traduite en français, le De la vocation de notre temps pour la législation et la science du droit (1814) constitue assurément, avec les Prolégomènes du Droit de la Guerre et de la Paix (1625) de Grotius et le Discours préliminaire du Code civil (1804) de Portalis, un des grands écrits de l'histoire de la pensée juridique occidentale. Manifeste d'une nouvelle Ecole de pensée juridique, l'Ecole du droit historique, s'opposant du tout au tout à l'Ecole du droit naturel moderne comme aux trois grandes codifications qui en sont issues - les codifications prussienne de 1794, française de 1804 et autrichienne de 1811, dont il présente une analyse corrosive - cet ouvrage s'inscritdans un contexte historico-juridique particulier : celui de l'avenir juridique de l'Allemagne à la fin de l'hégémonie napoléonienne. C'est que l'effondrement de l'Empire français, dont le Code Napoléon était l'emblème, et le grand sursaut de la conscience nationale allemande, qui se fait alors jour, vont poser en termes nouveaux la question de la codification dans une Allemagne libérée de la tutelle étrangère. Tel sera le sens de la fameuse querelle qui va mettre aux prises en 1814 Friedrich Carl von Savigny (1779-1861) et le civiliste et romaniste de Heidelberg, Anton Friedrich Justus Thibaut (1772-1840). Face à l'appel enflammé et au vibrant plaidoyer d'inspiration libérale de son collègue de Heidelberg en faveur d'une codification générale du droit civil en Allemagne, Savigny, résolu à " sauver la science face aux Codes ", développe dans sa réplique, dont nous donnons et présentons ici la première traduction française, une argumentation mûrement réfléchie, une véritable critique dela codification ; il oppose à celle-ci tout à la fois une nouvelle doctrine de la formation et des sources du droit, situant le fondement du droit dans la conscience populaire et privilégiant droit populaire et droit savant par rapport à la législati