Nul besoin aujourd'hui de jouer au Christ pour descendre aux limbes, il suffit d'aller au cinma, de payer son obole la caisse d'une salle obscure, d'emprunter l'escalier tortueux qui conduit au sous-sol et de franchir la porte coupe-feu qui dbouche sur l'enfer, le purgatoire ou le paradis des images o s'accomplissent nos dsirs inavouables. L'inconscient visuel que la camra rvle Benjamin, le cinma permanent o Breton se laisse dtrousser comme dans un bois ou l'espace ngatif que creuse souterrainement l'art termite cher Farber ne sont que d'autres noms de ces limbes, dvoys autant que sculariss, de notre temps. Pour s'y rendre, il n'est point de meilleurs guides que les films eux-mmes, qu'ils relvent ici du registre de la prose comme plusieurs productions hollywoodiennes de Sjstrm, de McCarey, de Tourneur et de Fuller, de celui de la posie comme quelques oeuvres underground plus libres de Levitt, Loeb et Agee, de Brakhage, de Frank et Leslie, ou de celui, plus inclassable encore, de l'criture de Biette ou de Straub et Huillet. Ces Descentes aux limbes forment un diptyque avec Passages vide dont elles constituent la fois un prolongement et un cas limite. L o ceux-ci s'efforaient de dcrire le vide central de l'essieu qui fait tourner la roue des films, celles-l tentent plutt d'explorer son rayonnement vers la priphrie, aux confins du cinma, aux abords de la peinture, de la littrature et de la photographie, tels qu'aperus depuis cette autre rive.