Ville de banlieue, chambre anonyme, petit travail, salaire correct, peu d'intérêt, pas d'amis, de vagues relations. Aucune envie, plus de désir, quelques habitudes. C'est tout un monde de désespoir et de non-sens qui s'ouvre en même temps que commence ce roman des perdants et des abandonnés, ceux qui ont érigé la routine en mode de vie, le renoncement en principe, le défaitisme en valeur. On pourrait en rester là : mais l'auteur va tellement loin dans sa peinture clinique, crue, désenchantée, qu'on relève la tête et le défi. Plus que son antihéros, en tout cas : c'est du moins ce qu'il faut se souhaiter... Écrit avant Les Particules élémentaires, le roman sulfureux qui fit la notoriété de Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte est de la même veine : plume acérée, aride, assassine. On en sort laminé, mais bien déterminé à continuer la lutte, et c'est là que tout le paradoxe de la littérature prend un sens. Un roman saisissant à lire avec précautions.