Jean-Luc Godard, le cinéaste culte d’A bout de souffle et de Pierrot le fou, le chef de bande de la Nouvelle Vague, l’agitateur politique des années gauchistes, le publicitaire de lui-même, le provocateur misanthrope, l’archiviste, et enfin l’ermite de Rolle qui sera âgé de 80 ans en 2010, bref tous ces visages souvent contradictoires réunis en un seul : la première biographie en France de l’impossible M. Godard, dont Serge Daney disait qu’il y a « toujours chez lui une matière biographique, coriace et finalement mal perceptible. » On l’aime/on ne l’aime pas : qu’importe, JLG a tissé l’histoire culturelle du vingtième siècle et ses images (Belmondo le visage bleu dans Pierrot le fou, les fesses de Brigitte Bardot dans Le mépris, Johnny Halliday, Anne Wiazemsky dans La Chinoise, mais aussi un quatuor de Beethoven ou un nuage sur le lac Léman) ont marqué notre époque. Du hussard droitier, rejeton de la haute société protestante qui marche sur les mains pour épater Bardot au contestataire cinéphile qui écrit à Malraux « ministre de la Kultur » une lettre sur « la censure, gestapo de l’esprit », du réalisateur tyrannique humiliant ses acteurs à l’amoureux peintre des femmes dans Prénom Carmen, du moraliste politisé en treillis de combat au King Lear sépulcral cigare en bouche, de l’historien des images « relié au passé » au kinoclaste « shooté au show-business », défilent ici quatre-vingt années de vie, de cinéma, de travail et de passions brûlantes. « Son génie est plus fort que sa volonté d’auto-destruction » disait Daniel Cohn-Bendit. C’est aussi la résurrection d’une époque française : la cinéphilie, d’une fraternité (avec Truffaut), d’une rivalité sous l’œil des caméras.