Message destiné à être déchiffré, la parole est aussi un produit, livré à l'appréciation, dont la valeur se mesure par rapport à d'autres, plus rares ou plus communs et un instrument de pouvoir : on peut agir avec des mots, ordres ou mots d'ordre. Mais la force qui agit à travers les mots, est-elle dans les paroles ou dans les porte-parole ou, plus justement, dans le groupe même sur lequel s'exerce leur pouvoir ? Il faut donc intégrer des traditions théoriques fictivement opposées, pour construire une théorie du pouvoir symbolique qui est indispensable pour comprendre le terrain d'exercice privilégié du pouvoir symbolique, celui de la politique, et tout spécialement les luttes nationalistes ou régionalistes. Mais la politique n'est pas le seul lieu où opère la violence symbolique, cet abus de pouvoir d'autant plus pernicieux qu'il s'exerce dans et par son invisibilité: seule une forme très particulière d'analyse du discours peut le débusquer là où l'on s'attendait le moins à le trouver, comme dans ces textes philosophiques dont la rigueur apparente n'est que la trace visible de la censure particulièrement rigoureuse du marché auquel ils sont destinés.