Quelle est donc cette "cour" bizarrement "jaune" qui a donné son nom à un art aussi ambitieux? La cour est cet espace vide qui s'étend entre les bâtiments disposés sur ses quatre côtés; on y descend généralement par une volée de marches: la cour estun humble vide. Quant à sa couleur, le jaune, c'est la couleur symbolique de l'élément terre, lequel se trouve au centre des quatre autres éléments primordiaux. La Cour Jaune désigne donc un vide central, le vide central de toute chose. Le centre dela chose, son essence, est vacuité: en devenir perpétuel, elle participe du non-être; diluée en métamorphoses incessantes et éphémères, elle éprouve l'absence d'obstacles qu'évoque le mot "vide". Une fois traversée la Cour Jaune, l'instant de vie, de présence, de connaissance se transfigure en unité inqualifiable:"La vacuité est si paisible: simplicité au centre de l'espace." La Cour Jaune est faite pour être traversée et retraversée. Le vide central qu'elle désigne trace dans le corps un chemin libre, une semblance de "canal central" sans paroi, ni dedans, ni dehors, dans lequel le corps entier doit s'engouffrer s'il veut retrouver sa substance réelle. S'y engouffrer en s'élevant comme une flamme et en descendant comme une chute d'eau. LaCour Jaune est la voie du feu et de l'eau. En ce sens, elle commence dans le ventre, un peu plus bas que le nombril, au lieu dit "principe des passes", et "grimpe à des hauteurs vertigineuses" (LE 2, 2-3), jusqu'au sommet du crâne. Ce n'est qu'une voieet, pour connaître les paysages qu'elle traverse et le sublime endroit où elle conduit, il s'impose de la parcourir en entier, d'en devenir un habitué, un expert et un maître, puis de l'oublier.