?"C'est par le cinéma que je sus que le pire venait juste d'avoir lieu", écrivait le critique Serge Daney. Plus précisément, grâce à Nuit et Brouillard, le film d'Alain Resnais, sorti en 1956. Walter Benjamin incitait l'historien à "découvrir dans l'analyse du petit moment singulier le cristal de l'événement total". C'est ce que propose Sylvie Lindeperg, dans cette microhistoire du court-métrage qui a marqué profondément notre imaginaire des camps nazis. À partir d'archives inédites, elle reconstitue la genèse et les enjeux du film. Elle s'interroge sur les lectures et les usages, parfois inattendus ou contradictoires, dont Nuit et Brouillard a fait l'objet, en France comme à l'étranger. Elle retrace le destin singulier de ce "lieu de mémoire", en suivant l'évolution des regards portés sur les images et sur l'événement, depuis cinquante ans. Elle pose, dans toute son actualité, la question du rapport entre l'archive et la représentation des camps. Sylvie Lindeperg, historienne, est maître de conférences à l'université Paris-III-Sorbonne. Elle a publié Les Écrans de l'ombre. La Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (prix Jean-Mitry de l'Institut Jean-Vigo) et Cléo de 5 à 7. Les actualités filmées de la Libération.