Bergson a connu une carrière à la fois brillante et traditionnelle : ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, il devient professeur de lycée et soutient sa thèse, Essai sur les données immédiates de la conscience, en 1889. Maître de conférence à l’École normale supérieure en 1898, il est élu deux plus tard au Collège de France où ses cours vont attirer un auditoire considérable. En 1907, après la parution de L’Évolution Créatrice, sa réputation devient une gloire mondiale ; on parle de bergsonisme comme on a pu parler de cartésianisme ou de kantisme, plusieurs ouvrages d’importance lui sont consacrés, et la hauteur de sa pensée comme le brio de son écriture lui velent d’être élu à l’Académie française en 1914 et de recevoir en 1928 le prix Nobel de littérature. À partir de la découverte de la durée, un nouveau spiritualisme philosophique se met en place dans son œuvre, appuyé sur l’étude critique des sciences, mais aussi lié à une conscience animée d’un élan vital, et l’intuition va devenir un thème majeur de la doctrine de Bergson qui s’attache à fonder un pragmatisme moderne et une doctrine d’élévation de l’âme. Et cependant sa philosophie suscite des hostilités : son spiritualisme lui vaut d’être taxé d’irrationalisme, sa philosophie de la vie est critiquée par les catholiques, et sa conception du temps par Einstein. Après sa mort, il arrive qu’on voit en Bergson un philosophe académique dont il convient de se détourner, et sa pensée, pour une part passée dans le domaine commun, perd sa force incisive : c’est précisément elle qu’il convient de retrouver pour une lecture renouvelée de son œuvre.