Considéré par nombre de ses pairs comme un maître, adoubé par la critique comme le plus grand cinéaste français, Robert Bresson souvent intimide. Pourtant, dès la première rencontre avec ses films, ils touchent, simplement, par leur bouleversante beauté. Des Anges du péché à L'Argent, ses treize films, réalisés entre 1943 et 1983, composent une œuvre d'une cohérence exceptionnelle. Ils scandent aussi la mise au point puis l'accomplissement d'une idée très personnelle du cinéma, dont il a également explicité les principes dans ses Notes sur le cinématographe. Vibrants plaidoyers pour la vie ou terribles constats sur les désespoirs du monde, ses films ont en commun leur extrême intensité. Cette tension intérieure tient à l'art de Bresson, et en particulier à la manière unique dont il crée ses personnages. Qu'ils soient inspirés d'événements historiques (Procès de Jeanne d'Arc, Un condamné à mort s'est échappé), d'œuvres littéraires (journal d'un curé de campagne ou Mouchette d'après Bernanos, Une femme douce et Quatre Nuits d'un rêveur d'après Dostoïevski, Lancelot du lac...) ou qu'il s'agisse de scénarios originaux (Pickpocket, Au hasard Balthazar), leur présence illumine l'écran d'un feu singulier. Chez Bresson, les personnages de femmes, même les bonnes sœurs, les saintes ou les criminelles, sont magnifiques. Les visages aux yeux baissés de Florence Delay, Marika Green, Anne Wiazemsky, Dominique Sanda ou Isabelle Weingarten sont ineffaçables. Curé de campagne, résistant emprisonné, chevalier perdu, adolescent révolté contre les horreurs du monde ou innocent poussé au meurtre par trop d'injustice, les hommes brûlent d'une lumière intérieure inoubliable. Pour le meilleur ou pour le pire, chacun vit ses sentiments jusqu'au bout, chacun prend en main son existence. Cette présence humaine est au cœur du cinéma de Robert Bresson.