"Etre le secrétaire d'une sainte. ". . , rêvait un grand connaisseur en nostalgies. Comme en réponse à ce soupir, une trouvaille d'archives nous est offerte : mais la surprise est ironique. Benedetta Carlini entre au couvent en 1599, à l'âge de neuf ans. Plus tard elle bénéficie de visions, de célestes faveurs, et elle lutte contre les agressions et les leurres du démon. Elle tâche d'asseoir, sur ces grâces hors ligne, une renommée et un pouvoir local. Ces visées embarrassent la hiérarchie. Elle sera convaincue d'imposture. Au surplus, les enquêteurs ecclésiastiques découvriront qu'elle a filé une liaison amoureuse avec une autre nonne. Sur l'homosexualité féminine de ce temps, vice inexploré, "péché muet" , le document est de toute rareté. Ce n'est pas l'abbesse Carlini qui prêche dans la transe, c'est le Christ ou c'est l'ange, mais par sa voix d'actrice aux timbres changeants. De même ce n'est pas Benedetta qui étreint sa compagne, c'est encore son gardien Splenditello, un fort beau gamin d'ange qui se fixe à jamais dans la mémoire du lecteur comme agent supraterrestre de ce mystique ménage à trois. Judith C. Brown reconstruit comme un roman cette double aventure : l'échec d'une ambition de sainteté, la fougue charnelle d'un amour angélique.